Les gens qui ont été surpris de la médiocrité de Marine Le Pen face à Macron n’auraient pas dû l’être plus que ça : je l’avais déjà vu se faire laminer sur la question de la sortie de l’Europe dans son Grand Jury de RTL le 9 avril 2017.
Pour Marine Le Pen, la réforme constitutionnelle intégrera la priorité nationale (préférence nationale) pour que les Français soient prioritaires dans les logements sociaux ainsi que pour l’emploi en taxant ceux qui embauchent des étrangers.
On lui rétorque donc que c’est infaisable puisqu’au moment même où elle prendrait le pouvoir, elle se retrouvera donc à gouverner un pays qui est encore « européen ». Elle ne peut effectivement donc rien faire tant qu’elle est sous l’emprise européenne.
Au lieu d’admettre cette évidence, elle s’enfonce : ah bon je pense que le peuple est souverain, répond-t-elle ! Quel rapport ? Aucun. Quand on lui remet une couche, elle réplique : eh bien ça fait partie de la révision constitutionnelle.
On lui oppose que le traité de Lisbonne article 88 alinéa 1 prévoit que la France participe à l’Union européenne et que donc, tant qu’elle n’aura pas abrogé ou retouché cet article, tout ce qu’elle dit ne pourra être applicable sur le plan économique. En clair, elle trompe ses électeurs.
Que répond-t-elle une fois de plus ? : Je vais demander au Français s’ils sont d’accord pour baisser le nombre de sénateurs, arrêter le communautarisme, mettre en œuvre la préférence nationale et la défense du patrimoine historique et culturel, mettre en place la réforme territoriale et confirmer que les lois françaises auront une primauté sur les lois européennes.
Thréard insiste : comment allez-vous articuler tout cela puisque vous serez encore dans l’Europe qui, elle, ne le permettra jamais ? Elle sous-entend que ce qu’elle fera, et qui n’est pas dans la révision constitutionnelle, sera de remettre en cause les accords de Schengen afin de contrôler à nouveau les frontières et enfin savoir qui entre en France. Une question : quel rapport avec la question posée ?
Quand on lui fait remarquer pour la 150ème fois qu’en abrogeant l’article 88 alinéa 1 la France sort de Facto de l’Europe, elle répond : « non je ne le crois pas. On rend juste aux Français le pouvoir ».
C’est tout simplement du délire. Elle ne comprend même pas elle-même ce qu’elle raconte (1).
Elle insiste en affirmant que malgré cette révision constitutionnelle, la France ne pourra toujours pas faire du patriotisme économique etc. à cause de l’Europe. Elle ne comprend donc toujours pas que sa révision constitutionnelle constituera un Frexit de fait. C’est juste effarant ou peut-être de la mauvaise foi.
Olivier Mazerolle revient à la charge : Mme Le Pen cela signifie bien que pendant tout ce laps de temps, vous ne pourrez pas mettre en route votre programme économique puisqu’il ne dépend que d’un Frexit ? Elle répond « bien sûr que si ». Il lui retourne : « je parle du programme économique ». Puis il énumère ce qui ne pourra être appliqué tant que le France sera dans l’UE : rétablissement de la monnaie nationale, patriotisme économique, fin des dépenses publiques liées à l’UE etc. Donc pendant 8 mois il ne se passera rien – à titre d’exemple, la Grande-Bretagne fait encore partie de l’UE pendant deux ans avant sa sortie effective.
Elle rebondit pour dire : merci de faire la liste de tout ce qui est interdit par l’Union Européenne. Puis énervée, aboie : « si, il se passe que pendant 8 mois on va arrêter l’immigration déjà » puis aussi faire une politique forte contre le fondamentalisme islamique.
Elle répond qu’elle va pouvoir sur le champ baisser les charges sur les TPE et PME, supprimer les charges sur la première embauche d’un jeune de moins de 21 ans, augmenter l’aide au logement, consolider le minimum vieillesse etc.
Donc en admettant qu’elle va commencer par ces politiques, elle reconnait bien que l’application de son programme est conditionnée à la sortie de l’Europe : elle répond qu’elle ne l’a jamais caché.
On en revient à la question : est-ce que le référendum est utile puisque son programme ne peut tenir qu’en sortant de l’Europe ? Pourquoi ne pas dire clairement que dès qu’elle sera élue la France sortira de l’Europe sans référendum ? Si le référendum est rejeté, Marine le Pen sera incapable de mettre en pratique son programme économique. Donc pourquoi prendre un tel risque ? Elle répond qu’elle va réussir ses négociations. Oui mais si vous échouez madame Le Pen, vous ne pourrez donc pas appliquer votre programme !
En clair, Marine Le Pen refuse d’admettre que si elle gagne, c’est grâce à une bonne partie de son électorat qui est favorable à la fermeture des frontières, pour la préférence nationale mais pas forcément pour le retour au franc ni pour la sortie de l’UE. Elle sait que ces deux derniers points divisent son électorat. Ce que tous les sondages montrent et ce que Marine a parfaitement compris puisqu’elle désire désormais que ce soit les Français qui décident si oui ou non la France doit sortir de l’Europe. (2)
En clair, elle se décharge sur les Français en refusant d’admettre qu’en n’allant pas au bout de sa logique et en admettant devant eux que la sortie de l’Europe est impérative pour mettre en action son programme, elle joue un jeu de dupes car elle sait qu’en affirmant cela explicitement beaucoup de sympathisants frontistes ne la suivront pas puisqu’ils sont pro-européens…
Voilà la véritable raison de l’imposture Le Pen : son programme économique est un fantasme qui exige des Français une radicalité réelle qu’ils ne sont pas du tout près à consentir. La plupart des écervelés qui votent pour elle ne comprennent même pas les subtilités de son programme ni ce qu’il sous-tend.
(1) Article 88-1 Loi constitutionnelle n°2008-103 du 4 février 2008 – art. 2
La République participe à l’Union européenne constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.
(2) http://www.liberation.fr/video/2017/03/23/marine-le-pen-sur-une-sortie-de-l-ue-je-veux-que-ce-soient-les-francais-qui-decident_1557771