Une chronologie historique sur ce qu’ont subi les Sud-soudanais depuis des décennies. Cela permet de comprendre pourquoi ceux-ci désiraient à tout prix se séparer du Nord malgré tous les risques que cela comportait.
1820 : Le pacha d’Égypte lance une razzia sur le Soudan durant laquelle plusieurs colonnes armées attaquent méthodiquement des villages soudanais pendant deux ans : pillages, tueries, kidnappings d’enfants, incendies. Son but est de capturer des nègres pour bâtir son armée noire d’esclaves.
1840 : Fin du monopole commercial des Turco-Égyptiens sur le Soudan : ceux-ci avaient razzié le Soudan pour ramasser des esclaves afin de les incorporer dans l’armée de Muhammad Ali. Depuis cette date, des aventuriers internationaux français, anglais, grecs, libanais mais aussi les Arabes du Nord prennent le relais et se jettent sur le sud du pays. Leur cible : l’ivoire mais aussi les populations africaines dont ils veulent faire commerce. Les nomades arabes du Darfour, les Baggaras, sont totalement impliqués. Ils razzient les Dinkas et les Noubas, soit pour les vendre, soit pour les utiliser comme esclaves. Ils affectionnent les esclaves femmes avec lesquelles ils font des enfants qu’ils élèvent comme des Arabes baggara : ce qui explique que contrairement à leurs ancêtres, les baggara sont aujourd’hui noirs dans leur grande majorité.
Entre 1840-1880 : Les Turco-Égyptiens annexent le Darfour et le Sud. Ce qui aura pour effet d’engendrer une révolte populaire des Soudanais personnifiée par le Mahdi. Son armée est composée de troupes baggara auxquelles s’ajoutent des Dinka, des Nuers, des Noubas islamisés de force et/ou réduits en esclavage. Ce qui explique que dans le Sud du Soudan, on trouve encore aujourd’hui des Dinka, Nuers et Shilluks musulmans, issus de l’islamisation forcée de l’esclavagiste Mahdi. Historiquement, les Sudistes n’ont absolument rien en commun avec les Arabes du Nord Soudan. S’ils se sont retrouvés dans le même pays c’est uniquement le fait de l’annexion des terres au sud de l’Égypte par les pachas d’Égypte.
1861 : Terrible révolte des populations dinka qui en ont assez de se faire attaquer et razzier par les trafiquants d’esclaves et leurs alliés. Le trafiquant d’esclaves Muhammad al-Arqawi s’empare d’un territoire en pays Shilluk (Sud-Soudan) et se déclare gouverneur. Les Shilluks s’en souviennent encore…
1873 : Al-Zubayr Rahma Mansur, un puissant commerçant d’esclaves arabe du Nord, s’installe officiellement dans le pays dinka qu’il razzie depuis des années. Mansur appartient à une tribu arabe du nord, celle des Ja’alayin. Trois tribus principales de la vallée du Nil dominent le pays et se partagent le pouvoir depuis l’indépendance, ce sont celles que l’on appelle sommairement les « Nordistes » : Ja’alayin, Danaqla et Shaiqiyya. Par exemple, Omar el Béchir est un Ja’alayin. Il ne faut pas confondre ces Arabes du nord avec les Arabes du Darfour et du Kordofan (les Baggaras) qui sont des nomades méprisés par les Nordistes qui les jugent frustres et arriérés, même si Khartoum les utilise depuis toujours pour massacrer les Africains du Darfour ou les Dinka.
1899 : Condominium anglo-égyptien. Soumission des peuples du sud par des massacres coloniaux et le travail forcé par les forces anglaises qui s’enfoncent dans le Sud. C’est le début de la colonisation anglaise.
1922 : les Anglais décrètent le Sud du pays « closed districts order» (zones fermées) interdites aux marchands arabes du Nord.
1947 : Conférence de Juba
1951 : Une commission constitutionnelle de 13 membres est créée au Parlement. Buth Diu est le seul sudiste qui en fait partie. Il défend le fédéralisme face aux Arabes du Nord qui ne veulent pas en entendre parler.
1953 : Concertation officielle entre Nordistes, Anglais et Égyptiens au sujet de l’indépendance du sud. Les Sudistes sont totalement exclus de ces discussions.
Juin 1955 : 300 travailleurs sudistes sont renvoyés d’une usine par les patrons nordistes qui les remplacent par des Arabes. Lorsque les travailleurs manifestent contre leur licenciement, les forces de sécurité ouvrent le feu sur eux et font une vingtaine de morts. C’est l’année des premières révoltes qui vont annoncer la guerre du sud contre le nord. Cette guerre est une guerre d’indépendance et se fait avec les moyens du bord qui sont rudimentaires.
19 décembre 1955 : Le Soudan discute de son indépendance. Les Arabes du nord veulent mettre toutes les chances de leur côté. Moubarak Zarouq, député nordiste du parti au pouvoir, joue de roublardise et désire obtenir l’appui des Sudistes dans le cadre de la proposition d’indépendance. Aussi, il dépose une motion à l’Assemblée constituante rappelant que le Sud désirait un Soudan fédéral. L’opposition appuie cette requête et les députés sudistes croient percevoir chez les Nordistes une reconnaissance de leur spécificité culturelle. Ils votent donc la motion d’indépendance.
31 décembre 1955 : la motion d’indépendance est votée par les Sudistes, le parti au pouvoir ainsi que son opposition. Le Nord est mieux armé, mieux structuré, plus riche. Il considère donc qu’au nom de l’unité du pays, le Sud se doit de se fondre en lui avec une seule langue (l’arabe) et l’islam comme socle religieux. Des échauffourées éclatent lorsque les soldats nordistes remplacent les Anglais.
1er janvier 1956 : Indépendance officielle du Soudan.
Septembre 1956 : une Commission composée de 46 membres – dont 43 Arabes nordistes de la vallée du Nil – travaille sur le cas du fédéralisme. Trois mois plus tard, sa conclusion est limpide et attendue : le fédéralisme est irréalisable au Soudan. Débat clos. Le Sud se sentait déjà méprisé par le Nord, avec ce refus, il a l’impression d’être trahi.
1957 : Le processus d’arabisation et d’islamisation du sud est en route. Le 1er avril, le gouvernement reprend en main 350 écoles catholiques et protestantes du Sud. Tout soulèvement est écrasé par l’armée soudanaise.
17 Novembre 1958 : coup d’État militaire d’Ibrahim Abboud – un Shaiqiyya issu d’une tribu arabe du Nord – qui appuie encore plus l’islamisation forcée du pays. Il dissout le Parlement, censure la presse, interdit les partis politiques. Le Ministère de l’information du gouvernement publie un ouvrage intitulé « Les vérités essentielles » dans lequel il dénigre totalement le Sud. Il explique à propos de la partie méridionale du pays que « la contribution des langues locales n’a pas d’importance » et que « leur patrimoine est très pauvre par rapport au formidable patrimoine culturel de la langue arabe ». En clair, Les Dinkas, Shilluks, Nuers du Sud doivent accepter l’arabisation ou se faire écraser : ils seront donc écrasés.
1960 : Le mépris envers les références africaines continue et Khartoum confirme ses aspirations qui sont clairement d’arabiser et d’islamiser le Sud. Ainsi, le jour du repos, qui était jusqu’ici le dimanche, est désormais remplacé par le vendredi qui est le jour de prière des musulmans. Seul problème : la majorité des Sudistes sont des adeptes des cultes traditionnels ou des chrétiens. L’article 5 de la Constitution fait de l’islam la « religion d’État ». Création à Kinshasa de la « Sudan African Closed District National Union » une union soutenant la lutte armée au Sud-Soudan et alertant l’opinion publique sur le sort des Sudistes qui sont humiliés et discriminés sur le propre sol.
Septembre 1963 : Création du mouvement nationaliste armé « Anya-nya » qui est dirigé par le charismatique Joseph Lagu. Ce mouvement réclame l’indépendance totale du Sud. Le nom « Anya-nya » vient du nom du venin de la vipère du Gabon dans lequel les chasseurs trempent leur flèche.
Février 1964 : Khartoum expulse les missionnaires chrétiens du Sud. Indignation internationale. Khartoum tente de se justifier en sortant un « Livre noir » dans lequel il explique que les missionnaires empêchaient les Sudistes de se sentir soudanais à part entière et qu’ils incitaient à la haine et au racisme contre les Arabes. Le gouvernement soudanais se lance dans une application étendue de la terreur où l’on terrorise, harcèle, enlève, torture voire élimine physiquement les Sud-soudanais instruits.
16 mars 1965 : Conférence de la Table Ronde à Khartoum. Le Sud exprime sa colère face aux meurtres, aux éliminations physiques des gens instruits, à la torture et aux humiliations quotidiennes. Le Front du sud demande un référendum afin de savoir si les populations du sud du pays sont pour le fédéralisme, l’autonomie ou l’indépendance totale. Aggrey Jaden, membre du Front du sud, dénonce les prises d’esclaves chez les peuples du sud et défend une position pro-indépendance radicale : pour lui, les Africains du Sud n’ont rien à voir avec les Arabes du nord.
9 juillet 1965 : Altercation entre un Sud-Soudanais et un militaire nord-soudanais. La foule se solidarise avec le local. L’affaire s’emballe et l’armée soudanaise ouvre le feu sur les Sudistes. Durant la nuit, le massacre se poursuit et l’armée fait 3000 morts. Lorsque le journal « Le vigilant » enquête sur cette affaire, Khartoum saisit toutes ses éditions relatant l’affaire. Darius Beshir, propriétaire du journal, et son rédacteur en chef sont jugés par la justice soudanaise pour « accusations mensongères ». Ils sont défendus par Abel Alier qui réussit à les faire acquitter. La cour reconnaît la véracité des faits.
11 juillet 1965 : 76 sudistes sont massacrés à Wau par l’armée.
Septembre 1966 : le Premier ministre Sadiq al-Mahdi (un descendant du Mahdi) met à disposition le Darfour comme base-arrière du Frolinat (Front de libération nationale du Tchad), nouveau mouvement tchadien. Ce mouvement est dirigé par des musulmans du Nord du Tchad (des Toubous, des Zaghawas etc .) qui combattent le pouvoir « chrétien » de François Tombalbaye, tchadien de l’ethnie sara. À partir de cette date, le Darfour sera le carrefour de plusieurs conflits entre plusieurs branches armées tchadiennes. Le Tchad a une frontière commune avec le Soudan et beaucoup de peuples se trouvent des deux cotés de la frontière. C’est le cas des Zaghawas (nomades africains) et des nomades arabes Baggara. Plusieurs factions du Frolinat seront financées par le colonel Kadhafi.
1968-1970 : C’est l’éclatement ethnique du mouvement sudiste qui reproche notamment l’hégémonie dinka. Les Dinkas créent le « Nile Provisional Government ». Les ethnies de L’Équatoria se détachent de la rébellion sudiste et créent le « Gouvernement d’Anyidi ». Les Azende créent le « Sue River Government» et Joseph Lagu fonde le « Southern Sudan Liberation Movement » en juillet 1970.
25 mai 1969 : coup d’État militaire du général Jaafar Nimeiry (un Shaiqiyya) avec l’appui des communistes, des baathistes, des nassériens et des nationalistes arabes effrayés par la tournure islamiste prise par le projet de constitution de 1968 qui prévoyait de faire de l’islam la religion d’État et faire de la charia la principale source du droit. Ces progressistes luttent particulièrement contre le pouvoir des sectes musulmanes. Au départ, le nouveau maître de Khartoum change de politique vis-à-vis du Sud (promesses d’autonomie), notamment en marquant le pas dans la violence systématique. Le Soudan se rapproche de l’URSS. Nimeiry étant un nassérien, les Israéliens voient son arrivée au pouvoir d’un très mauvais œil surtout que la guerre des 6 jours est encore toute fraîche. Joseph Lagu, leader des rebelles sudistes Anya-nya en guerre contre Khartoum, contacte alors les Israéliens et essaye de profiter de l’occasion pour obtenir le soutien de l’État hébreux. Joseph Lagu a expliqué sa stratégie dans une interview donnée à l’AFP le 7 janvier 2011 : « J’avais écrit au Premier ministre israélien, je flattais son ego en lui disant : « je suis heureux que vous, le peuple élu de Dieu, ayez battu les Arabes (…) et puis j’ai ajouté : « moi aussi je me bats contre les Arabes, donc si vous nous fournissez des armes, je vais neutraliser les forces soudanaises qui ne pourront donc plus soutenir l’Égypte contre vous ». La lettre a fait son effet. » C’est à ce moment qu’Israël entre en contact avec Lagu puis largue des armes et des médicaments pour son mouvement. Les autres mouvements sudistes ne bénéficient pas de cette aide, ce qui fait que Anya-nya voit débarquer dans ses rangs tous ceux qui veulent en découdre avec le Nord. Par la suite, Israël s’appuiera sur l’Éthiopie et surtout sur le chef d’État major ougandais Idi Amin Dada pour soutenir le mouvement Anya-nya.
Charles Onana explique la guerre du Soudan ainsi dans sa vidéo de propagande : les sudistes ont été soutenus à l’indépendance par les USA et Israël. Quelle farce ! Israël n’a soutenu les Anya-nya que par opportunisme ! Mais ce soutien n’a été réalisé que de 1969 à 1972 : date de la signature des accords de paix qui mettent fin à la guerre. Anya-nya n’a même pas été fondé à l’indépendance mais bien après. Mr Charles Onana peut-il nous dire quel mouvement Israël soutenait en 1956 ? La guerre a débuté en 1955 et Joseph Lagu s’est lancé dans cette guerre en 1963 ! Pour les « antisionistes » noirs dès qu’une lutte entre en conflit avec leur petite obsession d’Israël, ils dévalorisent et méprisent cette lutte pour privilégier leur chasse aux sionistes. Ils sont prêts à mentir, à tricher et à manipuler pour atteindre le seul but qui compte à leurs yeux. Lire cette interview de Joseph Lagu pour plus de renseignements.
1971 : François Tombalbaye, le président tchadien, déjoue un coup d’État fomenté par le colonel Kadhafi. Le Guide libyen a monté sa presse contre le président tchadien et celle-ci se répand en insultes et en diffamation contre le Sara. Dès sa prise de pouvoir, Kadhafi rêve d’unifier le Tchad, le Soudan et la Libye dans un super-État Sahélien arabe et islamique. Pour Gérard Prunier, le « racisme de Kadhafi [et] son hostilité au régime de Tombalbaye [étaient] au moins en partie [dus] au fait que celui-ci était un Noir africain chrétien » (Gérard Prunier, « Le Darfour, un génocide ambigu »).
« [Les vues personnelles de Kadhafi] étaient pleines d’un folklore racial habité par la fourberie des Zurga, le terme péjoratif utilisé par les Bédouins arabes pour décrire les Goranes de Libye, du Tchad et du Soudan que leur culture toubou rendait férocement indépendants…Dans l’imaginaire bédouin on ne pouvait pas leur faire confiance et Kadhafi s’employa à les réduire en Libye même. Des milliers de Toubou furent chassés du Fezzan en 1970 »
J. Millard Burr et R.O Collins cité par Gérard Prunier
25 janvier 1971 : le général pro-israélien Idi Amin Dada – qui a suivi une formation militaire en Israël – profite d’un déplacement de Milton Obote pour déposer le président. Son coup d’État est effectué avec l’aide des services secrets israéliens. Idi Amin Dada, un musulman qui appartient à une petite ethnie du nord de l’Ouganda, sera « retourné » quelques mois plus tard par les pétro-dinars de Kadhafi à son retour de pèlerinage à la Mecque : voulant profiter de l’aide libyenne, il fermera l’ambassade israélienne, rompra ses relations diplomatiques avec l’État hébreu et soutiendra désormais la Palestine. Tout ce jeu d’influence, du monde arabe et du camp israélo-américain ne relève que de la politique cynique où chacun ne voit que son intérêt en faisant du chantage au plus faible.
1971 : Tentative de coup d’État des communistes au Soudan. Le président soudanais Nimeiry exécute le communiste dinka Joseph Garang, son « ministre des affaires du sud » ainsi que plusieurs putschistes supposés. Dans la foulée, il interdit le parti communiste soudanais, sûrement le plus puissant parti communiste du monde arabe. Puis tourne le dos au bloc de l’est (qu’il soupçonne d’être les commanditaires) pour rejoindre l’Occident. Kadhafi y voit une trahison. En fin d’année 1971, Kadhafi propose à Nimeiry la fusion entre la Libye et le Soudan. Le refus du président soudanais est perçu comme une insulte pour le Guide libyen qui rêve de créer un super-État arabe et musulman dans le nord de l’Afrique. À partir de cette date, la haine de Kadhafi envers Nimeiry est irréversible.
1972 : Muammar Kadhafi, fonde la « Faïlaka al-Islamiyya », la « Légion islamique », une structure militaire qui va lui permettre de mettre sur patte son projet de super-État arabe. A cette époque, les membres sont surtout des Soudanais du Darfour et des Tchadiens.
3 Mars 1972 à Addis-Abeba : Signature entre Jaafar Nimeiry et les rebelles de l’« Anya-nya » d’accords de paix qui mettent fin au conflit. Ces accords reconnaissent une autonomie au Sud, la constitution d’un État fédéral avec une assemblée régionale, le rejet du centralisme nordiste, les 6000 rebelles « Anya-nya » sont intégrés à l’armée soudanaise, la vice-présidence du pays revient systématiquement à des Sudistes etc. Fin de la guerre. Ces accords prennent le nom de « Southern Provinces Self-Government Act » et sont érigés en lois constitutionnelles qui ne peuvent être modifiées que par une majorité au Parlement national et un référendum au Sud. Ce passage est essentiel. Le Soudan quitte le camp soviétique et rejoint le camp américain durant cette année. Washington offre une substantielle aide militaire au Soudan qui devient le 6ème pays dans la liste de ceux qui profitent des subsides des USA et le premier d’Afrique sub-saharienne.
C’est aussi aux USA que plusieurs officiers soudanais vont être formés, ce qui servira de prétexte aux imbéciles anti-sionnistes pour affirmer que Garang est un agent des Américains puisque formé par eux à Fort Benning : Hocine Malti défendra cette thèse stupide dans un prétendu article sur Algéria-Watch, un papier truffé d’âneries et d’aberrations historiques typiques des conspirationnistes qui ne comprennent pas que Garang était présent à Fort Benning, non pas en tant que rebelle sudiste, mais au nom de la coopération USA/Soudan et qu’il s’y trouvait avec d’autres officiers soudanais dinka, darfouris ou arabes et tous représentaient un Soudan uni. Mais eux y voient la preuve que la rébellion du sud est un complot américain pour séparer le Sud riche en pétrole du nord et affaiblir un pays arabe.
23 novembre 1974 : La société américaine Chevron obtient de Nimeiry un permis d’exploration pétrolière pour plus de 500 000 km² dans le Sud-Soudan. Dans les années qui suivent, Chevron prospecte à Muglad et Heglig, en zone Nuer.
13 avril 1975 : Putsch du général Félix Malloum au Tchad. Le président François Tombalbaye est assassiné. En ce mois d’avril, Kadhafi, très proche du leader des Arabes du Darfour, Sadiq al-Mahdi, lui propose son aide pour prendre le pouvoir à Khartoum. Par stratégie, le président Nimeiry félicite le général Malloum pour son coup de force. Kadhafi est fou de rage, une fois de plus. Il continue à financer les rebelles tchadiens contre Malloum cette fois.
3 mars 1975 : C’est le troisième anniversaire de l’autonomie du Sud. Nimeiry participe à des festivités organisées à Wau, capitale du Bahr al Ghaza en zone dinka. Le colonel Kadhafi est invité malgré les relations tendues entre le Soudan et la Libye. Abel Alier, président du Haut Conseil Exécutif du Sud et vice-président du Soudan, raconte dans son ouvrage comment Kadhafi méprise le folklore africain durant le spectacle traditionnel présenté par de jeunes Sudistes. Le président libyen n’a de cesse de marquer effrontément son agacement devant le spectacle à tel point qu’il insiste auprès de Nimeiry pour partir. C’est l’épouse du président soudanais qui rappellera à Kadhafi le respect à avoir face au travail des jeunes dinka qui se sont démenés pendant plusieurs semaines. Kadhafi reste…mais en tirant une tête impossible.
Avril 1975 : Kadhafi reçoit à son tour les leaders sudistes Abel Alier et Joseph Lagu, le fondateur des ex-Anya-nya et désormais général de l’armée soudanaise. Abel Alier (qui rappelons-le est vice-président du Soudan) raconte que le Guide libyen se montre tout simplement arrogant et méprisant envers eux, qu’il n’a aucune considération pour le respect de la culture africaine des Sudistes et invite implicitement les deux Sudistes à convertir le Sud à l’islam. Pour Kadhafi, un Soudan uni et musulman pèserait de tout son poids dans le monde arabe. Le vice-président soudanais fera un rapport sur ces entretiens à Jaafar Nimeiry en insistant sur le danger qu’inspire la Libye. Il insiste surtout sur le mépris de Kadhafi pour le régime soudanais en place.
Juillet 1976 : Tentative de coup d’État. 1200 miliciens de la légion islamique de Kadhafi, appuyés par des al Ansar (membres du mouvement politique de Sadiq al Mahdi, la « Umma » basé au Darfour) partent du sud de la Libye et foncent sur Khartoum. Abel Alier l’avait pressenti, l’imprévisible Kadhafi tente de renverser son ennemi. La capitale soudanaise est facilement occupée avant la réaction des troupes gouvernementales qui reprennent la ville après trois jours de combats acharnés. La répression du pouvoir est terrible puisque s’en suit une série d’emprisonnements et de massacres envers les civils darfouris présents à Khartoum : on les soupçonne d’avoir cherché à remettre en cause la domination des Arabes de la vallée du Nil. Au Darfour, la répression est encore plus terrible puisque 3000 personnes favorables à Sadiq al-Mahdi sont massacrées par l’armée soudanaise. Réponse du berger à la bergère. Nimeiry soutient désormais Hissène Habré, ancien du Frolinat et nouvel ennemi de Kadhafi.
1977 : La société française Total obtient elle aussi une concession dans l’État de Jonglei au Sud-Soudan. Jaafar Nimeiry est réélu pour 6 ans.
7 août 1977 : Au nom de la réconciliation nationale, Nimeiry libère des prisonniers politiques communistes et islamistes. Les exilés politiques sont eux aussi invités à revenir au pays.
10 août 1977 : Nimeiry amorce sa volte-face vis-à-vis des accords d’Addis-Abeba en créant une commission chargée de revoir la constitution soudanaise afin de la mettre en conformité avec la charia. La commission est dirigée par tous les islamistes que Nimeiry a libéré, à commencer par Hassan al-Tourabi : des gens intolérants qui considèrent que l’islam doit régner partout où des musulmans se trouvent. Stupeur dans le sud ! Nimeiry vient juste de trahir les accords d’Addis-Abeba. Les USA ne disent rien car la perspective de trouver du pétrole au Sud n’a pas de valeur à leurs yeux.
Février 1979 : le président Malloum démissionne. Avant de délaisser le bourbier tchadien, il avait promu Hissène Habré au stade de Premier ministre. L’occasion est trop belle : Kadhafi saute dessus à pied joint et envoie l’armée libyenne et la Légion islamique soutenir Goukouni Oueddei en envahissant le Tchad. Voilà donc deux anciens membres du Frolinat qui s’affrontent pour prendre le pouvoir.
Août 1979 : Après des semaines de conflit, une conférence de réconciliation nationale à lieu à Lagos. Après des accords signés, Goukouni Oueddei devient président du Tchad.
Novembre 1980 : Total obtient une concession pour l’exploration pétrolière de plus de 150 000 km² dans l’Équatoria et au Sud du Haut-Nil.
Janvier 1981 : Le rêve de Kadhafi prend-il forme ? Goukouni Oueddei annonce officiellement la fusion du Tchad avec la Libye. La communauté internationale s’étrangle. 12 chefs d’État africains condamnent cet accord à la Conférence de Lomé et se demandent si Oueddeï n’est pas tombé sur la tête.
Cette année est essentielle : Chevron annonce au président Nimeiry qu’il vient de découvrir du pétrole dans le Sud-soudan, en terre dinka. Cette fois c’est bel et bien fini : le président Jaafar Nimeiry perd totalement la raison et se lance dans une série d’actes trahissant les accord de 1972. Il tente immédiatement de manipuler le tracé des frontières en divisant le Sud en trois régions distinctes, puis rattache la zone regorgeant de pétrole à la partie nord et arabe du pays après l’avoir baptisée « Province de l’unité ». De nouvelles dissensions éclatent entre les mouvements sudistes au sujet du comportement à adopter face à ce nouveau défi de Jaafar Nimeiry. D’autant qu’au Sud, la misère continue de se développer. Ce pétrole aurait pu bénéficier aux habitants du pays mais Khartoum tente de leur confisquer ce bien précieux. Les USA n’ont absolument pas bougé d’un pouce et continuent de soutenir leur allié soudanais.
5 octobre 1981 : Nimeiry dissout l’Assemblée régionale sudiste et démet le Haut conseil exécutif du Sud.
Juin 1982 : Hissène Habré s’empare de N’Djamena. L’ex-président Goukouni Oueddeï se réfugie au Cameroun. Hissène Habré devient président du Tchad. Nimeiry effectue un déplacement dans le sud. Des étudiants sudistes le reçoivent à coups de pierres. Dans les semaines qui suivent, une répression contre les sudistes se met en place et plusieurs ministres méridionaux sont arrêtés. Durant l’année, des maquis composés d’homme armés de l’ethnie Nuer se sont organisés sous le nom d’« Anya-nya II ».
Janvier 1983 : Khartoum, qui préssent un possible embrasement du Sud après la violation qu’il a effectuée sur les accords de 1972, prévoit de faire passer la garnison militaire de la ville de Bor dans la zone nord du pays. Cette garnison contient des militaires de carrière originaires du Sud, beaucoup sont des anciens de l’Anya-nya et en les déplaçant au nord du pays, il veut les éloigner des zones qui risquent de s’enflammer. La garnison de Bor est en rébellion. Nimeiry tente une combine en impliquant son vieil ennemi libyen qu’il accuse de chercher à envahir son pays pour une seconde fois. Immédiatement, les USA envoient des avions Awaks pour suivre les éventuels déplacements de troupes à l’ouest du pays.
Mai 1983 : Nimeiry ordonne l’utilisation de la force pour mater les mutins de Bor, ce qui entraînera une explosion dans une quinzaine de garnisons militaires du sud. À Waat, dans la province du Haut-Nil, l’armée bombarde des villages et fait des dizaines de morts. En cette année 1983, la guerre entre le sud et le nord a repris. Qui en est à l’origine ? L’arrogance de Nimeiry qui, signataire des accords d’Addis-Abeba en 1972, s’est permis de mépriser le Sud d’abord en reprenant la politique d’islamisation du pays puis en tentant de faire main-basse sur le pétrole.
Juillet 1983 : Fondation du SPLA-SPLM (« Armée de Libération du Peuple Soudanais » et de son mouvement). Son leader est John Garang, un Dinka, socialiste, proche des Arabes progressistes du Nord et diplômé d’économie aux USA. Garang est aussi titulaire d’une thèse de doctorat d’économie agricole qu’il a obtenue pendant qu’il suivait son instruction militaire aux USA. Le manifeste du SPLM exige un État laïc, uni et démocratique. À la différence des Anya-nya de Joseph Lagu lors de la première guerre, le SPLM n’est absolument pas indépendantiste mais fédéraliste. Son manifeste est clair : «Il faut absolument le répéter, l’objectif du SPLA-SPLM n’est pas la sécession du sud».
Cette vision fédéraliste n’est pas du goût de tout le monde et John Garang est en conflit direct avec les ex-rebelles Anya-nya et « Anya-nya II » tels que les Dinkas Salva Kiir Mayarit (actuel président du Soudan du sud) et William Nioun Bany. Certaines factions, notamment celles de l’ethnie Nuer, refusent cet unitarisme et se réclame de l’idéal de Joseph Lagu. Garang ne le supportant pas, il entre en conflit armé contre leur leader Samuel Gaitut et le chasse avec ses hommes. Ce conflit fait plusieurs morts. Gaitut demande alors…le soutien de Nimeiry. C’est ainsi que Garang se retrouve en guerre contre le gouvernement Nimeiry ainsi que contre les « Anya-nya II » (qui sont en fait des membres du SPLA à part entière) qui deviennent les supplétifs de Khartoum. Pour les USA, le SPLA n’est qu’un ramassis de « rouges ». Se réclamant du socialisme, les toutes premières armes de l’organisation proviennent de l’Éthiopie du marxiste-léniniste Mengistu qui est leur principal soutient et…du colonel Kadhafi qui offre un milliard de dollars d’armement, trop content d’armer des gens qui sont les ennemis de son ennemi intime. Plus tard, Kadhafi dira regretter d’avoir « armé des non-musulmans contre un État musulman »…
Septembre 1983 : le président soudanais Nimeiry décrète que le principe juridique de base du droit soudanais doit reposer sur la loi islamique – la charia – et fait de l’arabe la langue officielle du Soudan. Le code pénal intègre les huddud – les châtiments – afin de sanctionner les peines d’adultère, le vol, la consommation d’alcool etc. L’amputation des membres, le fouet font aussi leur entrée. Tout cela va, bien entendu, à l’encontre des accords de 1972 et participe à l’islamisation du Soudan, ce qu’ont toujours rejeté les Sudistes, mêmes les partisans du fédéralisme comme Garang.
Octobre 1983 : à Bentiu, dans la province du Haut-Nil, 800 sudistes sont massacrés par l’armée qui incendie leur maison. La majorité des victimes sont des femmes et des enfants. Ces tueries font partie d’un plan consistant à terroriser les populations indigènes habitant près des puits de pétrole. Nimeiry a armé des Arabes Baggara au Kordofan et ceux-ci participent aux tueries.
16 Novembre 1983 : Conférence de Nimeiry à Paris : « Je n’accepte pas que l’on dise que le Sud est une région chrétienne, car y vivent en paix chrétiens et musulmans, et nos lois doivent s’appliquer à tous ».
Décembre 1983 : une centaine de civils sont tués dans le village d’Aluanyakar par l’armée.
2 février 1984 : le SPLA fait pression sur Total, Chevron et la société française GTM et les menace de représailles s’ils ne stoppent pas immédiatement leurs travaux dans le Sud. Chevron, Total et la GTM (Grands Travaux de Marseille qui s’occupe de creuser un canal à Jonglei) ne tiennent pas compte des menaces du SPLA qui désire circonscrire toute activité économique dans le sud car il considère que Nimeiry a trahi les accords de 1972. Trois employés de Chevron sont assassinés par un commando SPLA.
10 février 1984 : le SPLA attaque une garnison militaire gouvernementale proche des camps de la GTM et prend en otage plusieurs employés. Immédiatement, la GTM, Chevron et Total stoppent leurs travaux dans le Sud et quittent le Soudan.
29 avril 1984 : Jaafar Nimeiry instaure l’État d’urgence. Le mécontentement s’intensifie à Khartoum durant toute cette année 1984.
30 avril 1984 : Samuel Gaitut, membre du SPLA et chef de l’ex rebellion « Anya-nya II » est tué au combat par les hommes de Garang. Son successeur, William Abdullah Chuol, prend le relais de la guerre entre les Nuers de l’« Anya-nya II » et le SPLA, à prédominance dinka. En août 1984, Chuol se rapproche de Khartoum qui l’arme dans l’optique « diviser pour mieux régner ».
Août 1984 : Terrible famine au Darfour. 80 000 réfugiés se dirigent vers les banlieues ouest de Khartoum. Les autorités les redirigent brutalement en bus vers le Kordofan et affirment qu’ils ne sont que des « réfugiés tchadiens ». Cette famine va littéralement faire exploser les relations entre pasteurs arabes et cultivateurs Furs et Massalits. Les nomades arabes Baggara cherchent des terres pour faire paître leurs bêtes, or les seules terres disponibles sont farouchement et jalousement gardées par les cultivateurs des « tribus africaines ».
Juin 1984 : Nimeiry insiste pour que Chevron, la GTM et la société italienne Snamprogetti reviennent sur leur décision de quitter le Sud-Soudan. Hors de question lui répondent-ils en chœur !
8 janvier 1985 : Nimeiry a totalement perdu le sens des réalités. Partout où il se déplace, un marabout le suit et il se prend désormais pour un imam. Il a fait son pèlerinage à la Mecque (ce qui a fait sourire la moitié des Soudanais qui le considérait comme un mécréant) et il condamna pour « hérésie » Mahmud Taha qui dirigeait une petite formation politique musulmane. Il le fera pendre le 18 janvier.
10 mars 1985 : Vives protestations de la rue contre l’augmentation du prix du pain. Washington effrayée par la protestation de la rue d’un pays allié, envoie le vice-président Georges Bush qui débarque avec un chèque de 192 millions de dollars, 250 tonnes d’aide alimentaire et témoigne à nouveau de tout le soutien des USA à Nimeiry. Bush invite même le président soudanais à venir prendre quelques jours de repos aux USA. Nimeiry accepte l’invitation.
Avril 1985 : Soulèvement populaire à Khartoum. Nimeiry, en voyage aux États-Unis sur l’invitation de George Bush sr, est déposé par un conseil militaire avec à sa tête le général ed-Dahab. Al-Girouli Dafalla est nommé Premier ministre pour un an, le temps que de nouvelles élections soient organisées. Le nouveau gouvernement demeure intangible vis-à-vis du Sud.
5 mai 1985 : Quelques semaines après que Nimeiry ait été déposé, Kadhafi envoie Abdessalam Triki et le commandant Abdel Salam Jalloud (respectivement chef de la diplomatie libyenne et numéro 2 du régime) saluer le nouvel homme fort de Khartoum. Son vieil ennemi qu’il considérait comme un traître est tombé. Chez les islamistes, c’est la consternation. Al-Tourabi et ses confrères avaient passé une alliance avec Nimeiry et ils étaient à l’origine de l’orientation islamiste du gouvernement. C’est donc un coup très dur pour eux. Leur réaction ne se fait pas attendre puisqu’ils créent quelques mois plus tard les « Aman ai-Soudan », une sorte de service d’ordre ultra-violent qui terrorise les laïcs et les Sudistes dans Khartoum.
24 décembre 1985 : Ce 24 décembre, un millier de miliciens arabes baggara de la tribu des Misseriya, puissamment armés et encadrés par des militaires soudanais, ravagent la région de Twic. Ils brûlent les logements, les magasins, les écoles et une église. Ils détruisent 48 000 tonnes de grains de millet, défoncent les puits construits par l’UNICEF et embarquent des milliers de bêtes.
25 avril 1986 : Détérioration des relations entre le SPLA et le nouveau gouvernement soudanais post-transition. Après la « victoire » du parti mahadiste « Umma » aux élections, Sadiq al-Mahdi est le nouveau Premier ministre. Son parti Umma est un parti religieux solidement installé au Darfour depuis des décennies.
Addis-Abeba 31 juillet 1986 : Rencontre-clé entre Garang et le Premier ministre al-Mahdi. C’est un échec. Al-Mahdi décide d’entrer dans une guerre totale et surarme les tribus de nomades arabes. Les Baggara de la tribu des Misseriya ont, comme tous les nomades baggara, une longue tradition de razzieurs de nègres. Ils prennent le nom de « Muraheleen » et ils auront exactement le même rôle que les Janjawid : terroriser les populations noires pour les mettre au pas. Sauf qu’en 1985, le Soudan est allié aux USA et du coup, les tueries sont totalement étouffées. Ces miliciens lancent plusieurs attaques meurtrières dans le sud « faisant des centaines de morts et ramenant au Kordofan de nombreux esclaves, selon le vieux schéma des expéditions du XIXe siècle » (Gérard Prunier « Darfour, un génocide ambigu)
L’année 86 est l’année où l’on voit surgir soudainement une organisation raciste et suprématiste arabe nommée « Tajammu al-Arabi » (Congrégation ou Union arabe). Elle est financée par le colonel Kadhafi et elle vise à unifier les Arabes du Darfour qui se plaignent non seulement de l’arrogance de trois tribus du Nord mais surtout des « Zurga », les nègres du Darfour dont ils veulent se débarrasser.
« Le gouvernement central fermait les yeux quant aux armes en provenance de Libye. Quand, finalement, ils ont envoyé une pétition au gouvernement pour se plaindre de la manière dont ils ont été exclus du pouvoir au Darfour vers 1987, les Arabes ne cachaient même pas la soi-disant « Congrégation arabe » [la Tajammu al-arabi] – le véhicule de l’idéologie raciste de la suprématie arabe dans le Darfour. Dans leur ferme conviction d’avoir le soutien du gouvernement central, ils jouèrent sur le sentiment d’arabisme qu’ils croyaient partagé par le premier ministre : Saddiq el maddhi. »
Sharif Harir « Short-cut to decay: the case of the Sudan » pp.173-174)
Les premiers documents de la Tajammu al-Arabi font leur apparition au Darfour. Ils sont top-secrets et explicitement anti-africains. Ils forment une sorte de « feuille de route » qui permettra aux Arabes de la région de prendre le pouvoir, de réduire l’influence des « zurga » et de défier l’arrogance des trois principales tribus arabes du Nord (Ja’alayin, Danaqla et Shaiqiyya ) qui se partagent le pouvoir en oubliant leurs « cousins » du Darfour. Voici quelques extraits des documents de la Tajammu cités par le professeur soudanais Abdullahi Osman El-Tom (il est lui-même originaire du Darfour)
Dans le document 2, les Arabes du Darfour accusent les Arabes du Nord de n’être que des métis de nubiens, sous-entendus pas des Arabes pur sang :
« Comme vous le savez, les Jaalyeen, les Danagla et les Shaygiya nous empêchent de diriger le Soudan depuis un siècle. En dépit du vernis arabe qu’ils ont adopté, ces trois groupes ethniques ne sont rien d’autre que des hybrides, à la fois ethnique et culturel et font partie intégrante du tissu de la Nubie égyptienne. Ces groupes ont l’intention de s’accrocher au pouvoir et de ne se le partager qu’entre eux »
(Qoreish n°2 )
Dans le document n°4, l’organisation évoque la manière dont les Arabes doivent s’y prendre afin de dominer les Zurga :
« Le Comité exécutif de la Congrégation arabe a tenu une réunion dans le but d’évaluer les activités de tous les membres et d’examiner la situation suite à la nomination des ministres du Gouvernement Régional parmi les zurga. La réunion a convenu que nous n’avons jamais obtenu de poste au Darfour sans avoir recours à la lutte – armée – et l’unité entre nous. Ces temps difficiles et critiques ne peuvent être supportés que par des hommes déterminés. Pour atteindre les objectifs de la Tajammu, le Comité suprême de la Tajammu al-arabi a pris les décisions suivantes : […] 2° Travail à paralyser les prestations de services publics dans les zones habitées par les populations noires en leur faisant sentir que le gouvernement est incapable de leur fournir les exigences vitales minimales. 3° Doubler le nombre de nos volontaires dans les terres où se trouvent des Noirs. Notre devoir est de créer l’insécurité dans ces zones, l’arrêt de la production et la liquidation des leaders noirs. 4° Travailler à créer des conflits entre les tribus noires/zurga afin qu’elles ne s’unissent jamais entre elles. » 5° Les membres de la Tajammu qui occupent des positions de leader sont chargés de : a) Assurer une concentration des services publics dans les zones d’influence de la Tajammu b) de ne pas nommer les enfants de zurga à des postes importants et, dans le même temps, faire en sorte autant que possible d’entraver le travail des membres de la communauté noire qui occupent des postes exécutifs et administratifs. c) Faire en sorte par tous les moyens nécessaires de perturber la stabilité des écoles implantées dans les zones habitées par des Noirs/zurga »
Commentaires du professeur Abdullahi Osman El-Tom : « En examinant ces documents, il faut éviter de tomber dans la tentation consistant à les traiter de façon méprisante en les considérant comme des travaux issus d’une frange lunatique qui a peu d’impact sur ce qui s’est passé et se passe encore au Darfour. Pour une nation capable de massacrer rien moins qu’entre 200 000 à 550 000 personnes, principalement des civils non-armés en un peu plus de quatre à cinq ans, il faut une idéologie et un discours structurés capable de transformer un secteur important de sa population en tueurs complices. C’est dans ce contexte qu’il faut lire ces documents. […]. Ce qu’il faut retenir, c’est que ces documents ont été partie intégrante d’une atmosphère qui a rendu possible un génocide. »
1987 : Gérard Prunier note que « Les libyens étaient maintenant en train d’armer les nouvelles milices Murahleen que le gouvernement étaient en train d’organiser, soi-disant pour lutter contre le SPLA au Bahr-el-Ghazal, en réalité pour attaquer les civils dinka de cette province et en réduire bon nombre en esclavage »
Kadhafi réunit 15000 hommes dans le sud de la Libye avec l’intention d’attaquer le Tchad et met en alerte les miliciens pro-kadhafistes du Darfour. Dans la foulée, les Américains soutiennent de plus en plus Hissène Habré et lui versent une aide de 15 millions de dollars d’armement. La France supporte aussi son ancien ennemi. Sadiq al-Mahdi n’a pas envie de voir son pays mis en accusation par les USA qui lui reprochent déjà ses accointances avec la Libye : après plusieurs volte-face, le pataud Premier ministre considère que cette fois son mentor libyen va trop loin et « exige » le retrait des troupes libyennes du Darfour alors qu’il a passé son temps à en nier la présence. Éclats de rire général !
Mahdi envoie donc Idriss al-Banna, le vice-président du Conseil d’État, à Tripoli pour signifier ses volontés au Guide libyen. Le pauvre émissaire est vertement reçu par les Libyens qui lui rappellent que le parti « Umma » a touché beaucoup d’argent libyen, que le Premier ministre Sadiq al-Mahdi n’est au pouvoir que grâce à Kadhafi et que les membres de la « Légion islamique » présents au Darfour sont tous soudanais et/ou partisans de la révolution arabe. Omar al-Hamidi, secrétaire libyen du « Congrès du peuple arabe » affirme à la presse : « La guerre au Sud-Soudan ne se terminera jamais avant que le Soudan ne se range dans le camp progressiste et ne s’unisse complètement à la Libye ». Grondé comme un enfant, Sadiq al-Mahdi fait croire à la presse que le problème est définitivement réglé avec la présence libyenne et cache la réalité, à savoir qu’il s’est fait envoyer paître comme un vulgaire dragueur des Halles. De son côté, le président tchadien Hissène Habré décide d’aller chercher la « Légion islamique » sur son terrain et fait plusieurs raids sur le Darfour. Les miliciens subissent de lourdes pertes.
Novembre 1987 : La Légion islamique continue de harceler le Tchad. Nouveaux raids de l’armée tchadienne. Kadhafi continue de livrer des armes aux Baggara de la tribu Salamat en « les encourageant à terroriser les zurga » (Gérard Prunier)
Mars 1987 : Les Muraheleen ont une mission qui est de terroriser les civils. Plusieurs tueries sont à leur actif et ils font preuve d’un zèle redoutable. Le SPLA décide de venger les dernières attaques et se lance à la poursuite des Baggara à Sahafa. Soixante-dix soudards baggara tombent dans une embuscade et y laissent la vie. Ayant un courage plus que limité, les Muraheleen ne se vengeront pas sur le SPLA, mais sur des civils dinkas.
Le 27 mars 1987 : A al-Deïn, des Baggara de la tribu Rizeigat, qui vit au sud du Darfour, à la frontière avec le pays Dinka, attaquent des habitations et l’église où se trouvent des Dinkas. Plusieurs locaux terrorisés par le pogrom en cours se réfugient aux environs de la gare, sous la protection de la police. Ils y passent toute la nuit transis de peur. Le samedi matin, à 7 heures, les policiers les font monter dans des trains afin de leur faire quitter la ville. Tous ne trouvent pas de place dans les wagons et les malchanceux trouvent refuge dans la cour du commissariat. D’autres se cachent dans la ville en attendant de se diriger vers la gare. Les Rizeigat foncent vers la gare afin de discuter avec les policiers et les hauts fonctionnaires du gouvernement de la possibilité de les laisser se venger sur les Dinka
La « séance fut levée brusquement, et les fonctionnaires du gouvernement partirent, y compris les policiers (…) alors les attaquants furent laisser seuls avec les Dinkas. Et le massacre se poursuivit en masse ». (Source : Ushari et Baldo).
En clair, les policiers leur livrent les Dinkas sur un plateau. Les Arabes brûlent les Wagons en bois remplis de Dinkas. Pour les Wagons en fer, c’est plus difficile. C’est au corps à corps que ça commence car les Baggara veulent aussi dépouiller les victimes de leurs vêtements et de tout ce qui a de la valeur. Ils jettent des blocs de pierre dans les wagons. Quelques Dinkas harcelés finissent par faire l’erreur de sortir des wagons : ils sont passés à tabac, mutilés et brûlés vifs. Au commissariat, c’est encore le feu qui fait des ravages puisque les assaillants (parmi lesquels figurent aussi bien des femmes que des enfants baggara) font périr les 500 Dinkas qui s’y trouvent en les brûlant vifs, eux aussi. 1400 Dinkas seront tués en deux jours. Des centaines de femmes, de filles et d’enfants sont enlevés pour être réduits en esclavage. Le gouvernement soudanais protège à 100% les tueries des Baggara et nie fermement la factualité de ce massacre. Une violente polémique éclate dans le milieu universitaire et politique soudanais. Le Premier ministre Sadiq al-Mahdi nie cette réalité et lâche lapidairement comme seule explication : « captures intertribales ».
Lorsqu’une proposition pour établir une commission d’enquête au Parlement sur ces crimes et les razzias esclavagistes des Baggara est proposée, al-Mahdi et son parti rejettent violemment l’idée. Devant la BBC, il admettra enfin les tueries mais se justifie : « le massacre de Dien avait été accompli afin de se venger d’une attaque du SPLA à Safaha » (source : Ushari et Baldo)
Quelques mois plus tard, deux maîtres de conférence à l’université de Khartoum, Ahmed Mahmoud Ushari (Institutes of african and asian studies) et Suleyman Ali Baldo (faculté de lettres), enquêtent de manière indépendante sur les crimes de la gare d’Al-Deïn et publient un rapport terrifiant. Les deux universitaires expliquent leurs motivations : « Nous croyons que c’est le rôle des intellectuels soudanais de dénoncer honnêtement des cas de violations des droits de l’homme. C’est ce qui nous a incités à enquêter sur le massacre de Diein et la réapparition de l’esclavage au Soudan (…) et nous constatons que cette enquête confirme ce qui a été publié dans d’autres rapports, au sujet de l’esclavage. »
Al-Deïn est une ville multiethnique de 60 000 habitants dans laquelle se trouve une majorité de nomades arabes Baggara de la tribu Rizeigat. Elle se situe dans le sud de la zone « nord ». Les tribus rizeigat de la ville ont été armées et financées par Khartoum car la région est une région très sensible où le SPLA a beaucoup d’influence. Beaucoup de Dinkas, dont les villages ont été attaqués par les Rizeigat et les Misseriya, ont fui vers cette ville dans les années 80. Les deux universitaires continuent : « Le gouvernement a profondément impliqué le groupe ethnique des Rizeigat dans sa guerre contre le SPLA. Ceci a déclenché une dislocation de la communauté rizeigat. Le banditisme armé, impliquant le meurtre de villageois Dinka, est devenu, pour les milices rizeigat soutenus par le gouvernement, une activité ordinaire. Les attaques armées de villages Dinka ont également pour conséquence le rapt et la réduction en esclavage de femmes et enfants Dinka. Tout ceci se pratique à la connaissance du gouvernement »
Les deux universitaires soudanais expliquent qu’en 1985, des unités du SPLA étaient vues dans la ville mais qu’elles ne se préoccupaient pas des tribus arabes et vivaient en paix avec elles depuis la signature des accords de 1976. Le gouvernement arme tout d’un coup les Rizeigat car il considère que les Dinkas de la ville et de la région sont les plus grands soutiens du SPLA et que cette population est, a fortiori, un vivier dans lequel le SPLA viendra tôt ou tard pêcher. L’esclavage est intimement lié au racisme selon les deux maîtres de conférence.
« L’enlèvement d’enfants Dinkas, de jeunes filles, de femmes, leur réduction en esclavage, leur utilisation dans la sphère économique des Rizeigat et dans d’autres aspects de la vie, leur vente pour de l’argent, tout ceci est une réalité et le gouvernement en a parfaitement conscience. Ceux qui pratiquent les enlèvements et l’esclavagisme sont membres des milices armées alliées du régime de Khartoum […]. L’existence de l’esclavagisme dans la région a engendré parmi les Rizeigat la croyance que les Dinkas sont des sous-hommes. Toutes les barrières psychologiques qui protégeaient leur existence ont été démolies. (…) Tijok Dut Ani est une femme de 30 ans. Son mari fut tué au cours du massacre, le samedi 28 mars 1987. Elle fut poignardée et frappée jusqu’à perdre connaissance. Son enfant fut enlevé par une Rizeigat, et elle ignore où se trouvent ses quatre autres enfants »
Dans la ville, les Dinkas étaient déjà quotidiennement humiliés par les jeunes Arabes baggara et victimes de racisme. Lors des distributions d’eau et de farine de sorgho, des Dinkas ont évoqué le fait que « leurs femmes et leurs enfants étaient assommés, insultés, repoussés de la file d’attente, et que leurs réservoirs d’eau leur étaient arrachés des mains et détruits », selon Ushari et Baldo. Lorsqu’ils allaient se plaindre de ces exactions aux policiers, ces derniers les insultaient et leur proposaient « de quitter Diein, puisqu’ils n’étaient pas aimés ».
Le racisme des Rizeigat s’exerce aussi contre les Zaghawas de Diein parmi lesquels ils sèment la terreur. La question du racisme pose un énorme problème ici car les Baggara, je le rappelle, sont des nomades arabes qui se sont installés au Darfour au cours de ces 5 derniers siècles. Ils descendaient vers le sud pour faire paître leur troupeau puis remontaient vers le nord chargés des jeunes dinkas dont ils faisaient leurs esclaves domestiques, agricoles ou sexuels après des razzias effectuées sur les villages dinka. De générations en générations, ils se sont métissés à leurs esclaves femmes africaines, ce qui explique que même si les chefs Baggara sont parfois clairs de peau, le bas peuple est lui rempli de personnes dont le teint varie en fonction des tribus : ça va du noir ébène au teint caramel. Certains n’ont d’ailleurs aucune différence physique avec les Dinkas ou les Noubas mais se croient supérieurs à eux du seul fait d’être Arabes et ils utilisent exactement les mêmes vocables racistes comme « Zurga » ou « abid » (qui signifie esclave ») contre les Africains du Darfour, les Noubas ou les populations du sud.
12 janvier 1986 : Des Baggara de deux tribus (Misseriya et Rizeigat) attaquent les villages dinka de Maryal Bay, de Nyamlel, d’Ashana et plusieurs autres. Ils tuent 612 personnes, volent du bétail, brulent les maisons et « 700 femmes et enfants furent kidnappés», selon Baldo et Ushari. Plusieurs attaques continueront jusqu’à ce que le SPLA se déploie dans la région. Les USA ? Toujours rien. Le Soudan est un bon élève.
Avril 1987 : Le mouvement « Anya-nya II » signe un cessez-le-feu avec le SPLA de John Garang. Les Noubas du Kordofan (région limitrophe du Sud mais se trouvant au « Nord », elle est peuplée d’ethnies africaines qui ont été elles aussi razziées pendant des décennies par les Baggara) rejoignent la lutte des Sudistes et combattent contre les forces gouvernementales et les milices arabes dans les Monts Nouba.
Octobre 1987 : manifestation anti-SPLA à Khartoum initiée par Hassan al-Tourabi.
Novembre 1987 : le SPLA s’empare de la ville de Kurmuk, à la frontière éthiopienne. C’est la première fois que le SPLA s’empare d’une ville si proche du Khartoum. Le gouvernement n’en revient pas et appelle à la « solidarité arabe ».
Septembre 1987 : violents combats au Tchad entre l’armée tchadienne et la « Légion islamique » de Kadhafi. Le Tchad dénonce ces attaques à Khartoum, l’alliée de la Libye. Le Darfour s’embrase. Terribles affrontements entre les nomades arabes et les Africains.
Décembre 1987 : après de durs combats, Khartoum récupère Kurmuk grâce à l’aide des pays arabes, en premier lieu l’Irak de Saddam Hussein qui a livré plus de 1 500 tonnes d’armes dans un extraordinaire pont aérien Khartoum-Bagdad. Osman al-Mirghani remercie « l’unité arabe » pour son soutien.
1988 : Extension de la famine au Sud-Soudan qui fait 250 000 morts cette année. Le pilote libyen d’un Mig-23 est capturé par les Soudanais en décembre 1988. La politique de Khartoum et des milices fonctionnent. Les agriculteurs dinka ne peuvent plus travailler la terre et sont obligés de fuir vers les camps afin de profiter de l’aide des humanitaires. La guerre explose au Darfour : Kadhafi soutient les tribus nomades arabes contre les tribus africaines. Idriss Deby, un Zaghawa, futur président du Tchad, se réfugie au Darfour et demande l’aide de la Libye : il vient de tenter un coup d’État contre Habré avec son cousin Hassan Djamous – celui que l’on entend parler longuement dans la vidéo des combats entre Tchadiens et Libyens : il sera torturé à mort par les hommes d’Habré. Khartoum a totalement perdu le contrôle du Darfour, Kadhafi y fait la pluie et le beau temps. Les nomades arabes, soutenus et armés par Kadhafi, effectuent des massacres contre l’ethnie Fur. Les tensions augmentent entre Fours et nomades à propos du problème de la terre. Khartoum nie toute cette dimension conflictuelle et explique cette situation par des querelles historiques ancestrales entre « nomades arabes » et « sédentaires africains ». Cette thèse est vraie mais seulement au départ. Elle le devient de moins en moins avec l’implication de la « Tajammu » qui distille un racisme ouvertement anti-noir. Pourtant, Louis Farrakhan la reprendra à son compte afin d’expliquer la crise du Darfour dans les années 2003.
1er Février 1989 : Hassan al-Tourabi, le leader du Front national islamique, est promu Ministre des affaires étrangères. Cette année est charnière car, depuis 1972, les USA se gardent bien de critiquer publiquement l’allié soudanais malgré les évidents crimes contre l’Humanité dont Khartoum s’est rendu coupable sous tous les régimes. Pour la première fois, des responsables de l’Administration américaine rencontrent des membres du SPLA à Washington. James Baker appelle les deux parties à mettre fin au conflit.
19 février 1989 : 150 officiers supérieurs soudanais enjoignent le gouvernement à engager des discussions pour mettre un terme à la guerre qui ruine le pays, de dissoudre les milices criminelles d’Arabes baggara et de lâcher la politique pro-libyenne. Démission du Ministre de la défense, le général Khalil. La politique violente de Khartoum est un échec total. Le Sud est encore plus grand que la France et il est impossible pour l’armée soudanaise de l’occuper. D’autant que le SPLA rencontre beaucoup de succès dans sa politique de guérilla. Il connaît le terrain et même s’il perd des positions de temps à autre, il pose encore et toujours des problèmes à l’armée soudanaise. C’est un combat perdu d’avance.
Mars 1989 : le commandant Yusuf Kuwa, un Nouba du Kordofan, installe six bataillons dans les montagnes. Les miliciens Baggara, ignorant la puissance de feu des hommes de Kuwa, les attaquent. C’est une déroute dans les rangs nomades qui perdent des dizaines d’hommes. Kuwa fera de nombreux prisonniers qu’il relâchera avec une missive qui insiste sur le fait que les Noubas n’étaient pas en guerre contre les Misseriya et qu’ils regrettaient que les Baggara les attaquent pour le bénéfice des Arabes du nord qui les méprisent. Plusieurs chefs de tribus baggara acceptent le dialogue avec les Noubas.
25 mars 1989 : Un gouvernement d’union nationale est mis en place. Hassan al-Tourabi n’en fait pas partie. Un jour plus tard, le traité de paix avec le SPLA est adopté. Les islamistes sont verts de rage car tous les bénéfices de leur influence sur l’islamisation de la société, appliqué en septembre 1983, risque de tomber à l’eau à cause des revendications du SPLA qui refuse de voir le Soudan dirigé par l’islam.
12 avril 1989 : Le Front national islamique de Tourabi boycotte les travaux de l’Assemblée constituante tant « que l’édification d’un État islamique n’est pas à l’ordre du jour ».
3 mai 1989 : Hassan al-Tourabi (lui-même originaire du Darfour) lance un appel au jihad contre les Sudistes.
16 juin 1989 : La paix est sur la bonne voie. En tout cas, c’est ce qu’affirme un John Garang satisfait de ses entretiens avec le Premier ministre Sadiq al-Mahdi. Même son de cloche chez le gouvernement qui désire trouver un moyen de mettre un terme à 6 années de guerre civile.
30 juin 1989 : S’en est trop pour les réactionnaires et les islamistes : coup d’État des militaires, appuyés par des islamistes. Le Général Omar el Béchir et le fondamentaliste Hassan al-Tourabi sont les nouveaux maîtres de Khartoum. L’État d’urgence est décrété. Interdiction de tous les partis, de tous les journaux et suspension des syndicats. Le Soudan s’isole et rompt ses relations diplomatiques avec tous les pays du monde, sauf trois : l’Iran, l’Irak et la Syrie.