Lors de l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie à partir de 1935, les armées du leader fasciste, qui souhaitait se lancer dès sa prise du pouvoir en 1922 dans les conquêtes coloniales au même titre que les Anglais et les Français, utilisèrent un arsenal militaire disproportionné pour soumettre les Éthiopiens, dont des armes chimiques. La SDN (société des Nations), ancêtre de l’ONU, condamna cette vile agression qui indigna même la France…
De son côté, Joséphine Baker refusa catégoriquement de condamner les appétences belliqueuses et les crimes de l’armée fasciste dans la corne de l’Afrique.
Cette prise de position se fait dans un contexte très particulier où le monde entier apprend par la presse la violence des armées italiennes lors de la conquête du territoire du Négus. C’est Mussolini en personne qui, impatient de la lente avancée de ses troupes, exige le recours aux armes chimiques et au lance-flamme allègrement utilisés contre les civils.
L’indignation est mondiale. Au Japon, des structures pro-éthiopiennes sont montées pour apporter une aide au Négus. En URSS, des comités antifascistes soutiennent l’Éthiopie. En Jamaïque, des militants sont prêts à prendre les armes pour rejoindre l’Afrique de l’est. A Haïti, en Angleterre et aux USA, on proteste vigoureusement contre la barbare agression. Partout dans le monde, les humanistes dénoncent l’Italie. Les gouvernements, eux, et en particulier la France, l’Angleterre et les USA, jouent bien sur un jeu de dupes : ils sont épouvantés par les conséquences de l’attaque italienne sur l’équilibre colonial en Afrique mais dans le même temps ils refusent de s’opposer frontalement à Mussolini au risque de le voir basculer irrémédiablement dans le giron d’Adolf Hitler. Mussolini aura donc le champ libre.
Joséphine Baker, qui a été reçue en grande pompe en Italie, reprit toute la propagande de la presse fasciste italienne à son compte pour justifier l’invasion à la stupeur des autorités françaises qui voyaient d’un mauvais œil un soutien affiché à un régime qui demeurait hostile à la France et à ses intérêts.
Voici le discours qu’elle tint en 1935 :
« Le negus est l’ennemi de la race noire (colored race) pour son maintien de l’esclavage que Mussolini est déterminé à détruire. Si besoin est, je suis prête à recruter une armée d’hommes noirs pour aider l’Italie. Je dirais à toutes les personnes de couleur du monde entier que, s’ils se dressent contre Mussolini, ils n’aideront en rien leur race. Au contraire, ils supporteront les marchands d’esclaves que le Duce est déterminé à briser. Mon désir est de parcourir le monde afin de convaincre mes frères que Mussolini est leur ami »
« Josephine Baker, shocked American fans when she publically voiced support for Mussolini. Referring to Emperor Haile Selassie by the Ethiopian term “Negus” (King), she explained why she would continue to stand by Il Duce :The negus is really a enemy of the colored race, for he maintened slavery, wich Mussolini is determined to stamp out. If need be, I am willing to recruit a colored army to help Italy. I’m going to tell to all the colored persons of the world that if they line up against Mussolini they will not aid their race. On the contrary, they will be adding to the slave merchants that Il Duce is determined to crush. I am willing to travel around the world to convince my brothers that Mussolini is their friend »
Anna Harwell Celenza « Jazz Italian Style: From its Origins in New Orleans to Fascist Italy and Sinatra », p. 110, Cambridge University Press, 2017