Il y a deux ans, Mohamed, nouveau visage jeune mijoté par le Rassemblement bleu Marine (RBM) pour être fin prêt en 2017, se cramait définitivement les ailes en direct sur le plateau de France 5. Ainsi mourait donc sa courte mais fulgurante ascension au Front. Il en était pourtant le porte-drapeau parfait: jeune adolescent à la lippe attachante, enfant d’immigrés algériens d’un quartier populaire de Gonesse, dans le Val-d’Oise, et doté d’une éloquence inhabituelle pour son âge. Le tout seulement éprouvé par un très léger cheveu sur la langue. Un produit d’appel sur-mesure pour un FN en pleine campagne de dédiabolisation.
Mais en novembre 2014, devant plus d’un million de téléspectateurs (sa meilleure audience de l’année), Anne-Sophie Lapix taille en pièces le jeune militant de 14 ans. Déjà en proie au doute sur son engagement bleu Marine, la piètre performance de l’adolescent signe définitivement la fin de son rôle de figurant au sein du parti. Désormais lycéen et de retour du Front, Mohamed ne touche plus de loin ou de près à la politique. Il a déménagé chez son oncle près de la mer, loin des tours de la Fauconnière. Mi-révolté, mi-accablé, il raconte sans trop prendre de respiration ce qu’il appelle son «endoctrinement».
«Tout est allé très vite»
Décembre 2013. Il est encore gosse et nouvellement élu au conseil municipal des jeunes de Gonesse. La campagne municipale commence doucement. Dans la ville-dortoir du Val-d’Oise, Karim Ouchikh, actuel président du mouvement libéral et identitaire Siel, se présente sur une liste bleu Marine soutenue par le FN. Un personnage onctueux, genre oncle bienveillant. Mohamed le rencontre autour d’un café. «Une semaine plus tard, je distribuais des tracts pour lui devant le Leclerc. Deux semaines après, j’étais face aux caméras de Canal+. En janvier, Marine Le Pen me citait dans une vidéo lors de ses vœux. J’avais même pas encore ma carte et Marine parlait déjà de moi!» Sur les raisons de cet engouement soudain, l’adolescent est confus. Ses parents ne votent pas FN, ses voisins de la Fauconnière non plus. «Tout est allé très vite. Je n’ai rien compris.»